Le Nom

dimanche 7 juin 2009
par  dominique



Dans les sociétés occidentales actuelles, un nom est donné à la naissance d’un enfant. Celui-ci doit d’abord plaire aux parents, et éventuellement avoir un sens. Il arrive également que ce nom soit celui d’un aïeul ou le souvenir d’une action passée. Il n’a en général pas de connotation sacrée, celle-ci est bien souvent affective.

Il en va tout autrement dans l’Egypte antique, même si dans les temps les plus reculés la recherche d’un nom était une question d’esthétique auditive. Le nom d’une personne n’est pas qu’un moyen de l’identifier. C’est une partie intégrante de l’être qu’il représente. Ne pas prononcer le nom d’un défunt est le condamner à errer dans le royaume des morts.

C’est ce qui arrive à Toutankhamon jusqu’en 1908, année de la découverte par Théodore Davies, des inscriptions du nom du jeune pharaon. Peu de temps après le décès du jeune roi, tout a été mis en place afin de nier l’existence même du roi. Son nom a été effacé des annales par ses successeurs. Ce n’est qu’en 1922, qu’Howard Carter, à force de pugnacité, découvrit la tombe de Toutankhamon et de son fabuleux trésor.

Ce déni de l’existence était courant dans l’histoire de l’Egypte antique. Bon nombre de rois ont vu leurs noms disparaître des tables officielles, les reliefs martelés. Les cas les plus connus sont ceux de la reine Hatchepsout ou du roi Akhénaton mais l’on peut citer également des grands serviteurs comme l’architecte Senmout ou encore le vizir d’Aménophis II et de Thoutmôsis IV, Rekhmirê. S’il n’est pas le seul, Horemheb, dernier souverain de la XVIIIème dynastie, successeur de Aÿ et ami d’Akhénaton s’octroie dans sa légende une date de début de règne erronée en le faisant débuter à la mort d’Aménophis III. Par cette action, il jette la confusion sur le règne de cinq rois et le déni sur l’existence même de ces monarques.

Certains noms de souverains n’apparaissent même pas sur les listes officielles d’Abydos, Saqqarah ou le papyrus de Turin. La raison ? Ne pas discréditer la fonction de roi par l’ajout de noms de personnages n’ayant pas eu un règne glorieux ou encore une gérance de l’état jugée approximative ou une durée trop courte. De l’avis de certains il s’agissait d’une disgression de la fonction même d’interlocuteur privilégié avec les dieux.


Liste d’Abydos - Temple funéraire de Séthi I - XIXème dynastie



Le simple fait de prononcer le nom du défunt permet de prouver son existence et suivant la conception égyptienne lui ouvre la voie de la résurrection afin de lui accorder l’immortalité.

La croyance de l’Egypte antique va bien au-delà de ce simple état de fait. La connaissance du nom secret d’un être ou d’une divinité pouvait permettre à quiconque d’avoir un ascendant sur l’être ou la divinité. La ruse dont fait preuve Isis, à l’encontre de Rê, afin de connaître le nom secret du dieu-soleil est un signe très fort de l’ascendant que peut obtenir un tiers en connaissant le secret le plus intime d’un être. En effet, Rê n’est pas enclin à céder le trône égyptien à Horus. La ruse de la déesse doit permettre à Horus de prendre un ascendant sur Seth et donc sur Rê obligeant ce dernier à donner le trône d’Egypte au dieu à tête de faucon.

Cette légende trouve un écho dans bien d’autres sociétés où à la naissance d’un enfant le véritable nom qui lui est attribué ne sera donné qu’au chef tribal.

Dans la religion musulmane, le Prophète obtient les cent noms d’Allah. Quatre-vingt dix-neuf noms, ou cent moins un, seront annoncés aux hommes. Afin de connaître le centième, il faut lire le livre sacré.

Dans l’art égyptien, une statue, une fresque ou un papyrus représentant un être vivant est toujours accompagné du nom de l’être. Le nom est apposé soit sur la représentation, soit à proximité immédiate. De cette façon l’objet n’est plus considéré uniquement pour sa beauté, mais représente l’être et lui redonne donc la vie.


Abou Simbel, temple de Néfertari, Grande Epouse Royale de Ramsès II

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